mardi 2 mars 2010

Je sape donc je suis (épisode 2)


Prix du jeune talent lors de la biennale de la photographie à Bamako en novembre dernier, Baudouin Maounda a travaillé sur la Sape à Paris lors d’une formation au CFPJ (75001). Travail qu’il a repris dans sa ville natale, Brazzaville, où le mouvement est né. Plus jeune, il était bloqué dans son bus de quartier par les sapeurs qui défilaient puis à Paris il les a retrouvés à Château-rouge. Aujourd’hui, le jeune photographe est exposé au musée Dapper, dans le cadre de l’exposition « L’art d’être un homme », pour sa série sur les sapeurs Congolais. Baudouin Mouanda est membre du Collectif Génération Elili et d'Afrique in visu. Un shooting pour l’Express l’a fait venir sur Paris quelques jours, le temps pour moi de l’installer dans un Fauteuil du bar de l’Olympic dans le 18e et de lui poser quelques questions, tout en sirotant un Coca, sa boisson favorite.

Fauteuil Club Sandwich/Congolais, vous avez travaillé sur la Sape alors que vous étiez à Paris. Puis lors de votre retour à Brazzaville. Pour quelles raisons ?

Baudouin Mouanda/Ça me faisait plaisir de travailler dessus, de retrouver cette atmosphère de Brazzaville. Un jour à Paris, dans le métro, j’ai été témoin d’une rencontre entre deux sapeurs qui se connaissent pas. Ils se sont parlés en Lâri (langue parlée dans la région de Brazzaville), et je les ai écouté : ils ont décidé de faire une démonstration avec la gestuelle qui va avec. Les gens dans le métro ont commencé à se parler entre eux et les sapeurs ont mis l’ambiance et après les gens ne voulaient plus qu’ils partent du métro ! C’était une chance de voir comment les sapeurs font ici.

FCS/Qu’est-ce qui vous intéresse chez les sapeurs ?
Baudouin Mounda/Être sapeur c’est avoir des yeux pour voir les couleurs mais moi c’est leur manière de faire qui m’intéresse car il n’y pas mieux qu'eux pour ça. Les sapeurs ont tendance à défiler, à poser pour mieux montrer leurs vêtements, ils sont dans le naturel avec une gestuelle particulière jusqu’à la position du pied ou du regard. Pour eux, c’est naturel, ils vivent comme ça, ils valorisent leurs vêtements en sortant avec et en attirant l’attention dessus.

FCS/Comment êtes-vous devenu photographe ?
Baudouin Mouanda/J’ai commencé la photo très jeune, en 1993. A la fin de mon CM2, il y a eu la première crise au Congo et je n’ai pas été à l’école pendant deux ans à cause de la guerre civile. Puis mon père m’a dit qu’il m’offrirait un appareil si je réussissais l’examen du passage en 6e, parce que enfant je jouais toujours avec le sien, avec les loupes surtout. J’ai eu un Zenith 11 et mon père m’a dit deux choses : les ouvertures les plus grandes sont les deux petites et que pour une belle photo, il fallait la faire à 16h. En 1997 j’ai vraiment commencé à prendre des photos avec la 2e guerre civile, puis en 2001, j’ai travaillé sur les séquelles de cette guerre, sur les orphelins, les enfants dans la rue suite aux guerres. C’est le travail qui m’a le plus poussé à faire photographe.

FCS/Quelle est votre méthode pour photographier ?
Baudouin Mouanda/Je n’ai pas de technique particulière, ça dépend du sujet traité et je me sens à l’aise dans tous. Je dis souvent au collectif, ou dans l’atelier que j’anime pour les étudiants à Brazzaville, qu’il n’y a pas besoin d’avoir un appareil cher pour faire une bonne photo et qu’une bouteille peut être un bon sujet. Après quand je suis dans une foule, je me fais discret, je ne dis pas que je suis photographe professionnel, pour mieux prendre les choses.

FCS/Quels sont vos autres projets à part la Sape ?
Baudouin Mouanda/Je fais un travail sur les prisons qui va de pair avec le projet Rue du hip-hop car ceux qui en faisaient étaient considérés comme mauvais donc condamnés. Les rappeurs attaquent la politique, ils dénoncent et dévoilent les maux de la société. Je m’inspire de leurs textes pour composer une photo. Pour Rue du hip-hop je travaille dans toute l’Afrique francophone car ces pays ne sont jamais stables. Je travaille sur les pays où il va voir des présidentielles cette année comme en Côté d’Ivoire, où les hommes politiques restent quarante au pouvoir, alors que c’est pas normal. Et les rappeurs attaquent les politiques, ce sont les seuls à avoir une liberté de parole. Je souhaite faire un pont entre chaque pays africains, avec trois photos et un texte de rappeur pour chaque pays. C’est un travail qui me tient très à cœur.

FCS/Pourriez-vous travailler à Paris ?
Baudouin Mouanda/Quand je viens à Paris, je pense à beaucoup de sujets quand je me ballade, mais c’est difficile de venir travailler ici, il y a déjà beaucoup de personnes en difficultés. J’aime venir ici à Paris avec un regard extérieur mais je préfère travailler en Afrique. Avec le collectif Afrique in visu, on montre qu’il a de très bons photographes au Congo, à Brazzaville et que pour le travail sur place, il n’y a pas besoin d’envoyer des photographes Français. On peut faire la même chose et on connait le pays ! Alors Paris c’est bien pour les contacts ou se faire connaître, mais c’est tout, après faut rentrer.

FCS/Et pour finir:
Baudouin Mouanda/
Un plaisir vautré : Respirer
Un plaisir gourmand : Le Coca
Un plaisir littéraire : Les ouvrages africains et en ce moment Alain Mabanckou
Un plaisir seul : Je préfère rester avec mes amis
Un plaisir partagé : Discuter

L'actualité de Baudouin Mouanda est une résidence à Lyon à partir du  25 mai puis à Paris au mois de juin (le 12) avec le festival Ragga, où il présentera son travail Rue du hip-hop.

En attendant vous pouvez retrouver Baudouin Mouanda ici :
Afrique In Visu
Génération Elili

L'art d'être un homme
Musée Dapper
jusqu'au 11 juillet 2010
50 avenue Victor Hugo
Paris 16e

La semaine prochaine, retrouvez le troisième et dernier épisode de la Sape. Et pour l'occasion, ce n'est pas moi qui vous parlerai d'un livre mais Mlle Maud K. Pour la première fois FCS accueille quelqu'un dans le Fauteuil. Elle vous présentera Black Bazar d'Alain Mabanckou... eh oui, l'auteur préféré de Baudoiun Maounda. Promis, c'est un (heureux) hasard!

Les photos de sapeurs sont celles de Baudouin Mouanda, que l'on retrouve sur le site Afrique In Visu. (Copyright).

Retrouvez l'épisode 1, Je sape donc je suis

Retrouvez l'épidsode 3, Black Bazar d'Alain Mabanckou

2 commentaires:

  1. Merci pour cette belle découverte ! J'ai hâte de lire Mlle Maud ici... Bises !

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  2. Maintenant je commence à avoir la pression!!!
    MK

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