C’est une histoire d’hommes peu banale, celle de L’Affaire de l’esclave Furcy. Tout d'abord, celle de Furcy, né libre mais qui le découvre sur le tard. Puis se bat 27 ans, intente un procès, perd ce qui était sa vie pour faire admettre qu’il existe en tant que personne, qu’il est un homme libre et non un esclave. Puis, celle de Mohammed Aïssaoui, journaliste au Figaro littéraire qui aime les histoires et enquêter, et qui voit passer une dépêche AFP loin d’être comme les autres.
2005, la vente à Drouot du dossier de l’esclave qui intentait un procès à ses maîtres fait se rencontrer les deux hommes. A près deux siècles d’écart, Furcy va entrainer Mohammed Aïssaoui à sa recherche, aux archives nationales à Paris et bien sûr à la Réunion, ancienne île Bourbon où avait débarqué Madeleine, sa mère. A sa mort, Madeleine, illettrée, laisse une malle pleine de documents à ses enfants. Les fameux documents qui prouvaient sa situation de femme libre et donc celle de son fils. Furcy a une trentaine d’année et le combat commence. Rencontre avec Mohammed Aïssaoui qui retrace l'histoire de celui qui est presque devenu un ami, dans un récit incroyable et fascinant. Une histoire dans l’Histoire, celle de l’esclavagisme, par un homme tout aussi captivant; Bienvenue à Mohammed Aïssaoui.
2005, la vente à Drouot du dossier de l’esclave qui intentait un procès à ses maîtres fait se rencontrer les deux hommes. A près deux siècles d’écart, Furcy va entrainer Mohammed Aïssaoui à sa recherche, aux archives nationales à Paris et bien sûr à la Réunion, ancienne île Bourbon où avait débarqué Madeleine, sa mère. A sa mort, Madeleine, illettrée, laisse une malle pleine de documents à ses enfants. Les fameux documents qui prouvaient sa situation de femme libre et donc celle de son fils. Furcy a une trentaine d’année et le combat commence. Rencontre avec Mohammed Aïssaoui qui retrace l'histoire de celui qui est presque devenu un ami, dans un récit incroyable et fascinant. Une histoire dans l’Histoire, celle de l’esclavagisme, par un homme tout aussi captivant; Bienvenue à Mohammed Aïssaoui.
FauteuilClubSandwich/ Vous avez découvert l’histoire de cet esclave qui avait intenté un procès à son maître par une vente à l’hôtel Drouot. Au delà de la curiosité, qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à celle-ci au point d’y consacrer tant de temps (quatre ans) et un livre ?
Mohammed Aïssaoui/ Il s’est passé quelque chose d’irrationnel quand j’en ai eu connaissance. Quelque chose m’a attiré, comme un 6e sens, et qui m’a donné envie de m’y intéresser. J’ai fouillé un peu à partir de la dépêche AFP qui rendait compte de la vente des archives à Drouot. Je fouillais et je ne comprenais pas pourquoi personne ne s’y était intéressé. Et ce chaque fois que je consultais des archives.
FCS/ L’histoire de cet esclave qui fit un procès à son maître était-elle connue sur l’île de la Réunion ?
Mohammed Aïssaoui/ A la Réunion, l’histoire de Furcy était dans la mémoire collective, ils en avaient entendu parler mais comme d’une légende. Au final, ils ont tout appris par le livre, le procès, les personnages… Il va d’ailleurs y avoir une exposition à la fin de l’année sur Furcy là-bas. Le livre a provoqué des choses formidables sur place car les Réunionnais, l’étonnement passé que moi je m’intéresse à cette histoire, donc à la leur, étaient très heureux que quelqu’un s’y intéresse justement.
FCS/ Dans vos recherches, notamment dans les archives régionales de la Réunion, avez-vous trouvé des histoires similaires à celle de l’esclave Furcy?
Mohammed Aïssaoui/ L’esclavagisme est une histoire sans archives, où tout avait été bâti pour qu’il n’y ait pas de traces. Les esclaves n’avaient même pas de nom, donc pas d’identité. C’était un système redoutable. Cependant à force de chercher, j’ai entendu parler d’autres procès mais, celui de Furcy est unique car on a toutes les pièces du dossier, les plaidoiries, la correspondance.
FCS/ Pouvez-vous nous dresser un portrait de Furcy ?
Mohammed Aïssaoui/ Il était très charismatique, très apprécié de tous et instruit. Tous ceux qui le rencontraient étaient sous le charme. C’était également un esclave très apprécié et il tenait d’ailleurs les comptes de son maître, Joseph Lory, avant de se lancer dans le procès. C’était le maître d’hôtel. Il était tenu en haute estime par tous et avait une place privilégiée parmi les esclaves.
FCS/ Pourquoi s’est-il alors lancé dans ce procès, dans cette histoire qui va durer 27 ans ?
Mohammed Aïssaoui/ Il est allé jusqu’au bout de ce très long combat, sûrement parce qu’à partir d’un moment son cas personnel est passé après la cause et il a continué le combat jusqu’au bout. Tout est vrai dans cette histoire et pourtant Furcy pourrait être un personnage de roman.
FCS/ Le procureur général du roi sur l’île Bourbon, Gilbert Boucher, est son principal soutien. Comment l’expliquez-vous ?
Mohammed Aïssaoui/ Gilbert Boucher est sans conteste le 2e personnage principal. Il soutien Furcy jusqu’à mettre sa carrière en péril, pour un procès où il n’avait rien à gagner, et toute sa vie il l’a soutenu. Aujourd’hui, c’est grâce à lui qu’on a le dossier et toutes ces archives, par son propre travail d’archives (lettre de Furcy, photo).
FCS/ Pourquoi cet homme a-t’il autant soutenu Furcy ?
Mohammed Aïssaoui/ Venant de la métropole, il a été baigné par les Lumières, par la Révolution, et il avait un regard extérieur à ce système. Cette histoire m’a révélé toute la complexité de l’humain, avec des changements d’humeurs où rien n’est jamais ni tout blanc ni tout noir. C’est le cas du jeune Jacques Sully Brunet, l’adjoint de Boucher, qui est natif de l’île. Il soutient le cas de Furcy au début, puis face aux pressions, se rétracte. A la fin de l’histoire, à Paris, il redevient un soutien de Furcy, c’est le caractère humain qui veut ça.
FCS/ Pourquoi, et malgré les documents qui montraient la véracité de la liberté de Furcy, les protagonistes, grands propriétaires de terre et d’esclaves, notamment Charles Desbassayns (photo), ont continué le combat eux aussi ?
Mohammed Aïssaoui/ Les « accusés » voulaient absolument gagner car il y avait 16 000 esclaves sur l’île dans le même cas que Furcy, soit un tiers des esclaves qui auraient pu demander la même chose : l’affranchissement. Eux aussi se battaient pour une cause, la leur, celle de l’esclavage ; pas contre Furcy, mais afin de garder le système en place.
FCS/ Est-ce qu’il y a des choses que vous avez découvert lors de vos recherches et que vous n’avez pas inclut au récit final ?
Mohammed Aïssaoui/ J’ai voulu être concis. J’ai donc beaucoup condensé, notamment les plaidoiries pour n’en garder que le suc. Mais il est possible de consulter toutes les archives. Il y a cependant une anecdote que je n’ai pas mise dans le roman, et j’aurai peut-être dû pour montrer le véritable visage de Gilbert Boucher. Lorsque celui-ci part en France, Desbassayns lui « offre » une de ses esclaves pour l’aider sur le bateau, le temps de la traversée (3 mois) car sa femme est enceinte. En arrivant à Bordeaux, la première chose qu’il a faite, c’est d’affranchir cette femme. Ça montre bien toute la force de conviction de cet homme.
FCS/ Il était facile d’avoir un jugement très critique voire acerbe envers les esclavagistes et pourtant vous n'en faites rien. Pour quelle raison ?
Mohammed Aïssaoui/ Il n’y a aucun jugement, car c’est au lecteur de se faire son propre jugement mais pas à moi. Je n’ai pas pris position, ni pour Furcy ou Gilbert Boucher, le procureur général. Il faut aussi se remettre dans l’époque : C’était la norme d’avoir des esclaves. C’était signe de richesse et d’ailleurs les affranchis avaient ensuite eux-mêmes des esclaves ! On ne sait pas comment nous aurions réagit, ni-même moi. La loi les considérait comme des meubles, ils étaient donc traités comme tels ; C’est facile de juger aujourd’hui, avec le recul.
FCS/ Y a t’il eu des suites, d'autres découvertes, à la sortie du livre ?
Mohammed Aïssaoui/ Le livre a débouché sur plein de choses et j’ai découvert plein de choses sur Furcy après la parution du livre (mars 2010). J’ai finalement retrouvé sa trace à la fin du procès à Paris: Il est donc revenu libre à la Réunion et aurait fait fortune dans la confiserie. Il y a beaucoup de on-dit également sur des maitresses et de la descendance directe, et il y a un lieu-dit qui porterait le nom de Furcy (ïlet Furcy, photo) par rapport à lui. Furcy est même devenu un nom de famille. Dans ce genre d’histoire, il y a beaucoup de légendes orales.
FSC/ A la fin du livre vous dites qu’une amie est par hasard une descendante des Desbassayns. Quelle a été la réaction des descendants des esclavagistes à la lecture du livre, y a-t-il eu de la censure ?
Mohammed Aïssaoui/ Je n’ai eu aucun contact négatif par ce livre, comme s’il y avait eu des ondes positives. Même les contacts avec les descendants des esclavagistes ont été bons. Ça a fait ressortir beaucoup de choses et mis en lumière une partie de leur histoire familiale.
FCS/ Furcy, à travers son combat, ne représente-il pas l’anti-Oncle Tom ?
Mohammed Aïssaoui/ Non, car en fait ils se ressemblent.. Je n’ai pas pu tout développer dans le livre mais, ils ont beaucoup de similitudes, ils ont une attitude en retrait et étaient proche de la religion tous les deux. La différence réside dans le fait qu’il y en a un qui refuse la fatalité qui va à l’encontre de celle-ci et l’autre qui l’accepte. Oncle Tom l’admet, comme des épreuves envoyées par dieu, alors que Furcy, même s’il reste en retrait, va au combat. J’ai relu La case de l’Oncle Tom après avoir terminé le livre et j’ai redécouvert beaucoup de choses, je n’avais plus le même regard. Les similitudes m’ont d’ailleurs beaucoup étonné. L’auteur [Harriet Beecher Stowe] s’implique beaucoup dans le roman, elle parle au lecteur avec une écriture très moderne. (La Case de l'Oncle Tom d'Harriet Beecher Stowe est tiré de l'autobiographie de l'esclave Josiah Henson,1849, gravure.)
FCS/ Les critiques ont été élogieux sur L’affaire de l’esclave Furcy et le livre figure dans la sélection Essais du prix Renaudot qui sera attribué en octobre. Qu’est ce que vous ressentez face à cet accueil unanime ?
Mohammed Aïssaoui/ Ma première satisfaction est personnelle, celle d’avoir mené à bout ce projet, de l’histoire, qui m’a pris quatre ans alors que je pensais n’en mettre que deux. Parmi les plus beaux compliments que l’on m’ait fait, ce sont ceux des historiens sur les recherches en elles-mêmes, sur le travail accompli. Pour le Renaudot, je l’ai appris comme ça par hasard, en entendant la liste, je n’ai eu aucun appel de personne.
FCS/ Qu'est-ce que vous conseillerez en matière de lecture aux lecteurs de FCS ?
Mohammed Aïssaoui/ Je conseillerai des livres qui apprennent des choses. Dora Bruder de Patrick Modiano (folio), pour la manière d’enquêter sur cette jeune fille qui a fui les camps de concentration. Il faut lire Les gens de Philippe Labro (folio), trois portraits très contemporains. Pour l’écriture, j’ai beaucoup réfléchi à la place à prendre dans le livre, comme Emmanuel Carrère dans l’Adversaire (folio), que je conseille d’ailleurs pour l’innovation de la narration. Je n’ai pas de penchant pour l’auto-fiction mais ce que je conseillerai en matière d'écriture, c’est de raconter avec sa préférence dès le début, pour que cela soit un livre unique avec un regard personnel.
Mohammed Aïssaoui/
Un plaisir vautré/ Être à une terrasse, boire un café, lire, regarder les gens, peu importe la saison.
Un plaisir gourmand/ Le couscous ! Il faut que j’en mange un une fois par semaine, sinon c’est comme un manque. Du coup, je connais toutes les adresses de Paris! Je conseille Wally le Saharien (36 rue Rodier, Paris 9e).
Un plaisir littéraire/ Tout. J’ai un gros appétit pour la lecture, tous les jours. Et j'ai la chance que cela soit mon métier.
Un plaisir partagé/ Aller au théâtre, à deux.
Un plaisir seul/ Marcher, dans la nature.
Encore merci à Mohammed Aïssaoui, pour sa gentillesse, sa disponibilité. Quand j’ai fini ce livre, j’avais envie de poser plein de questions à son auteur et ne pas passer à autre chose tout de suite ; mon métier, ce blog et le répertoire téléphonique d’un ami attentionné m’ont permis d’assouvir cette envie de curiosité et d’aller plus loin. C'est chose faite. Merci aussi pour la relecture.
PRIX RENAUDOT ESSAI 2010! BRAVO!
Super interview ! On sent un échange de passionnés et non pas un classic échange de journaliste / interviewé. Je l'ai lue avec plaisir.
RépondreSupprimerJ'adore ce recul de Mohamed Aïssaoui sur l'esclavagisme ! En dehors du fait d'être tous descendants d'esclaves ou d'esclavagistes (même indirects), on ne sait pas ce qu'on aurait fait à l'époque, c'était la norme, c'est vrai.
Me concernant, je connaissais les grandes lignes de l'affaire Furcy. Et j'ai découvert ce livre en lisant un article du Figaro Littéraire. Je l'ai lu (le livre) et j'ai énormément appris. Pourtant, j'ai vécu à La Reunion... mais là bas (c'est peut être ma seule contradiction avec l'auteur), je trouve que cette affaire est beaucoup trop méconnue. Espérons que le livre se vendra bien sur place, c'est sûrement l'une des plus belles histoires vraies qu'il existe. Espérons surtout qu'il se vendra bien dans l'Hexagone pour que l'affaire Furcy soit mieux connue du grand public.
Félicitations donc à Mohamed Aïssaoui pour ce gros boulot de recherche et d'écriture. Mais bon, au foot, on dit souvent qu'il faut deux grandes équipes pour faire un grand match. Disons là qu'il faut deux bons journalistes pour faire une bonne interview ;-) je vous conseille fortement cette lecture.
Bon boulot! Rien à redire. Ou plutôt si: lisez ce livre, un miroir de la nature humaine dans ce qu'elle a de pire et de plus merveilleux.
RépondreSupprimerSM
To MB: Merci, c'était en effet un grand plaisir pour moi de rencontrer et de passer un moment avec Mohammed Aïssaoui; un échange entre passionnés de livres en tout cas.
RépondreSupprimerTo SM: Tu as raison, il faut absolument lire ce livre, il faut le garder pas loin et le relire, il faut surtout passer le mot; comme tu l'as fait pour moi. Mille mercis.
Bises Messieurs
Merci pour cette interview. Une toute petite précision. L'histoire de Furcy n'est pas totalement méconnue à La Réunion. Hubert Gerbeau, historien, l'évoquait dès 1990 dans un ouvrage universitaire. Arius et Mary Batiskaf, de 1998 à 1999, à l'occasion du cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage, en ont fait une installation-performance qui a tourné un an tout autour de l'île, impliqué cent bénévoles pour 33 représentations. Il y a même eu un livre sur le sujet, "Liberté plastik", publié chez Grand Océan en 1999.
RépondreSupprimerMais il est vrai que la mémoire, fut-elle collective, a besoin de rappels.
Merci à Monsieur Aissaoui pour la recherche menée.