Quelques pas. Quelques pas pour traverser la place de la Concorde ; quelques pas en noir et blanc. Paris et New-York, mêmes mouvements. A partir des années 1930, Lisette Model (dont je vous annonçais l’exposition en début d’année) photographie des visages, des reflets, des pas. Elle commence par les quais parisiens, puis la déjà célèbre Promenade des Anglais de Nice, où elle photographie l’oisiveté de la « French Riviera ». Lisette Model se fixe sur les passants, les anonymes et surtout leur visage et leurs attitudes corporelles. C’est à la fois très discret et voyeur, comme si l’on surprenait ces hommes et femmes en plein relâchement. Parce que la photographe ne fait pas poser ses modèles, elle les surprend, les capte, les prend sur le vif, très proche, « pour éviter les déformations ». Lisette Model met en avant les détails, les mouvements que l’habitude de voir fait disparaitre. Elle nous montre ces détails comme elle les découvre elle-même pour la première fois, et nous les pointe du doigt : « ouvrez les yeux, vous passez à côté de moments qui méritent votre attention. »
Fin des années 1930, Lisette Model traverse l’Atlantique en direction de New York. Elle découvre la folle ville, et travaille sur la série « Reflets », des clichés de passants, de building qui se reflètent dans les vitrines de Manhattan. Puis elle entame une autre de ses séries fétiches, les bars et leurs arrière-salles : Nick’s, Sammy’s où elle croise travestis, soldats et filles pendues à leurs lèvres, chanteuse d’un soir et autres oiseaux de nuit. Celle pour qui « photographier, c’est l’art de l’instant » et qui donnait encore des cours à plus de 80 ans, a également capté les stars des 1950’s : Sinatra, Capote mais aussi les jazzmen Louis Armonstrong et Ella Fitzgerald lors de festivals. Les clichés de Lisette Model donnent un réel plaisir à être regardés, pleins d’audaces et de malices par ces scènes incongrues et à la fois pleins de modestie. Elle disait d’ailleurs : « La photographie, j’en faisais pour moi-même… et en fait pas du tout, je la faisais pour la faire, après peu importe ce qu’elle devenait, à quoi elle servait. Je ne cherche rien en photographiant et quand je capte quelque chose, ce n’est pas du tout intentionnel. » Elle prenait ce qu’elle voyait, un peu comme lorsque nous surprenons quelque chose d’inhabituel, et que le sourire aux lèvres d’être témoin d’un instant pas comme les autres qui n’existera plus la seconde d’après, on se maudit de ne pas avoir eu un appareil photo sur soi ; Lisette, elle, l’avait.
Jusqu’au 06 juin 2010
Place de la Concorde Paris 8e
Les phrases en italique sont des propos de Lisette Model, lors d'un de ces derniers entretiens au début des années 1980, que l'on peut entendre dans l'exposition.
Le seule Lisette que je connais (ou plutôt ai connu) n'est pas vraiment un modèle... mais peu importe, ça ne regarde que moi. Et puis cette petite description m'a donné l'envie d'aller y faire un tour.
RépondreSupprimerMonsieur MB
ps : à quand une application FCS pour iPhone ?
Yes Yes, j'ai aussi beaucoup aimé cette exposition, Lisette Model est une grande photographe, ça vaut le coup de la découvrir! Mais Esther Shalev-Gerz est aussi exposée au Jeu de Paume, petite critique si ça vous intéresse http://www.laboiteasorties.com/2010/02/jeux-de-regards-au-jeu-de-paume/
RépondreSupprimerMarie