Homo erectus, Tonino Benacquista

Des histoires d’hommes. Des tristes souvent, des gaies parfois, des longues de temps en temps, des terminées pratiquement toujours. Homo erectus est un roman sur les hommes, leur rapport aux femmes, souvent leur désarroi face à elles. Trois hommes d’horizons très différents font connaissance dans un drôle de club itinérant : une sorte de séance hebdomadaire où chacun à son tour peut raconter son histoire face aux femmes. Des histoires uniques et multiples à la fois. Nos trois personnages vont se livrer autant que vivre une relation bien étonnante. Quant au roman, il est à l’image des histoires entre hommes et femmes : joyeux, sensible, riche et savoureux. Grande lectrice et amatrice des romans de Tonino Benacquista depuis que j’ai découvert le merveilleux Saga (il y a déjà bien longtemps), j’ai voulu vous présenter cet auteur un peu plus en détails. Il a donc eu la gentillesse de répondre à quelques unes de mes questions. Encore merci.

FauteuilClubSandwich/ Les trois héros d’Homo erectus participent chaque semaine à une sorte de club privé et secret dont le sujet unique est les femmes. Une sorte de club des « déçus anonymes » où la drogue sera la femme ?

Tonino Benacquista/ "Déçus", je ne pense pas. Pour moi, il s'agit d'hommes qui livrent leur témoignage, qui racontent leur propre histoire, qu'elle soit banale ou hors du commun. Un fois racontée, leur histoire ne leur appartient plus. Elle restera dans la mémoire de ceux qui étaient présents ce soir-là, ou bien elle sera oubliée. Ce sont des histoires d'amour, de mœurs, de sexe. Tragiques, extravagantes, ou tout simplement quotidiennes.

FCS/ Ce club d’hommes est un lieu que vous avez imaginé et dont vous souhaiteriez l’exis­tence ou êtes vous vous-même le personnage de l’intellectuel qui vient pour regarder et se place en « taupe » ?

Tonino Benacquista/ Ce point de départ est surtout un dispositif qui me permet de multiplier les témoignages. C'est un stratagème littéraire, et l'existence même de ce club n'a que peu d'importance, il n'a rien de réaliste. Peut-être n'est-il qu'une rumeur.

FCS/ Homo Erectus est un livre d’hommes, perdus par les femmes. Est-ce une réalité de la société ? 
Tonino Benacquista/ Encore une fois, il n'est pas question de guerre des sexes dans ce roman. Certains de ces témoins sont très heureux en amour et ils viennent le dire. D'une manière générale, je ne me pose pas en sociologue, je ne suis pas un observateur de mon époque, je créé des personnages et je leur donne une histoire, un destin. Certaines de ces histoires font écho à celle du lecteur. Il s'identifie, ou pas, à tel personnage. Mais en aucun cas je ne cherche à expliquer tel ou tel phénomène sociétal.

 

FCS/ Les hommes d’aujourd’hui on(t)-ils encore les armes pour séduire les femmes qui se veulent plus libérées ?

Tonino Benacquista/ Il faut poser la question à ceux qui pensent détenir une clé, ou repérer des tendances, ce qui n'est pas mon cas. Je crois qu'il y a un fort désarroi chez les hommes comme les femmes, et la différence des sexes entre peu en ligne de compte. J'ai vu quantité d'individus découragés par la peur de l'engagement, des complications, des déceptions à venir. J'ai l'impression que les hommes et femmes de tous âges sont bien plus à l'écoute de leur époque (les médias, les sondages, et les fictions) que d'eux-mêmes. En d'autres termes, nous sommes tous victimes des injonctions que l'époque nous dicte, même si nos désirs sont bien différents.

FCS/ Comme l’ensemble de votre bibliographie, Homo erectus semble être un parfait reflet de ce qui intéresse la société. Comment arrivez-vous à avoir ce regard pointu sur vos semblables ?

Tonino Benacquista/ Je suis curieux de mes contemporains, je leur vole beaucoup, comme tous les auteurs. Mais la réalité étant souvent bien plus extravagante que la fiction, j'ai besoin de détourner un fait réel pour qu'il devienne crédible aux yeux du lecteur. Un travail d'alchimie romanesque, en quelque sorte…

FCS/ Très ancrés dans la réalité, les images et l’air du temps, les personnages deviennent quasiment réel pour le lecteur qui s’y attache énormément. Un point essentiel pour que l’histoire devienne réelle ?

Tonino Benacquista/ Le personnage n'est qu'un outil que j'affute au fur et à mesure du récit. Il fait partie d'un tout. L'important est de ne jamais le juger, de le désigner comme un bon ou un méchant. C'est à ce prix qu'il sera, ou non, crédible.

FCS/ Lequel de vos livres aimeriez-vous adapter vous-même au cinéma et pour quelles raisons ?

Tonino Benacquista/ Je n'aime pas travailler à l'adaptation de mes propres histoires. Je l'ai fait pour "SAGA" qui est devenue une pièce de théâtre. J'espère qu'elle sera jouée un jour prochain.

FCS/ Vous voulez bien me donner la recette des aubergines Parmigiana de Malavita ? (Promis ça restera secret…)

Tonino Benacquista/ La recette est tout juste évoquée dans le livre. Mais, comme en musique, peu importe la partition, seul compte le virtuose.

S'il a commencé par écrire des romans, souvent noir comme La boîte noire, Tonino Benacquista a souvent participé à des projets en BD (l'Outremangeur) ou au cinéma. Il fut notamment co-scénariste avec Jacques Audiart pour le très beau "Sur mes lèvres". Question livres, je me contenterai de vous ordonner pratiquement de lire Saga, la Comédia des ratés, la maldonne des Sleepings, mais surtout Malavita et Malavita encore. Délicieux et presque juissifs.